Au début on avait un peu du mal à y croire quand Johan Kalin - entraîneur du Népal - nous a répondu rapidement pour nous dire qu’il serait heureux de nous partager son histoire. Il ne parle pas français mais trouvait notre idée de blog super intéressante et voulait nous encourager.
Extraits choisis d’une interview passionnante qui aurait pu durer facilement 8 heures!
Johan Kalin - êtes vous resté au Népal durant cette épidémie de CoVID 19?
Non je suis rentré chez moi en Suède fin mars quelques jours avant que l’aéroport de Kathmandu ne ferme ses portes. Ma femme et moi voulions rentrer en Suède si jamais un membre de notre famille était malade. Je touche du bois mais jusqu’à maintenant on a beaucoup de chance et tout le monde est en bonne santé.
Avant d'entraîner l’équipe national du Népal vous avez entraîné le club de première division Népalaise de Machhindra FC - comment êtes vous arrivé là-bas?
J’ai entraîné pendant plusieurs années des clubs en 5e division Suédoise tout en travaillant à la fédération Suédoise de football où j’ai exercé des rôles variés comme entraîneur des équipes de prisons! Le football a toujours était une passion pour mon épouse et moi - en particulier les championnats moins médiatisés comme la Série B ou Série C. Nous étions intéressés par le championnat indien et nous sommes partis en vacances visiter des clubs à Goa et Delhi. Petit à petit je me suis tissé un réseau dans cette région et un jour le club de Machhindra FC m’a envoyé un message pour me demander si le poste d'entraîneur pouvait m'intéresser. C’était une super opportunité - j’ai de la chance que mon épouse adore le foot et m’encourage à y aller et que la fédération suédoise m’autorise à prendre une année sabbatique. Et voilà je suis arrivé au Népal pour la saison 2013-2014!
C’était le grand choc d'entraîner au Népal?
Ce fut une expérience fantastique et on a finit à la 2e place du championnat ce qui était inattendu par tout le monde mais c’est vrai qu’il y avait quelques difficultés au début. J’entraînais en anglais qui n'est ni ma langue maternelle ni celle de mes joueurs donc ce n’était pas évident que mes consignes soient bien respectées. Il y avait des manques de moyens dans le club comme pour les chasubles, ballons ou des terrains corrects pour s'entraîner mais ce qui était le plus dur pour moi c’était que la mentalité des joueurs était différente. Je suis suédois donc si l'entraînement commence à 8h j’attends que mes joueurs soient là à 7h55 pour commencer la séance et se donner à fond. Au début les joueurs arrivaient en retard, parfois ne venaient pas du tout ou alors refusaient de s'entraîner sous la pluie ce qui était très bizarre pour moi qui avait l’habitude de faire des séances dans le blizzard!
Vous avez adapté votre style de coaching au Népal?
En Suède j’étais vu comme un entraîneur suédois normal, plutôt relax comme le stéréotype de l'entraîneur scandinave. Au Népal j’étais perçu comme un entraîneur qui criait et gesticulait beaucoup sur son banc de touche. En Suède on est plutôt très direct - si j’ai un problème avec un des joueurs je lui dit et le débat est clos. Au Népal il y a une différente approche pour régler les conflits donc je dirai que j’ai changé sur ce style la.
Je suis un coach super proche de mes joueurs. J’ai besoin que mes joueurs se sentent en sécurité et confiance pour qu’ils aiment faire leur boulot et pour en tirer le meilleur d’eux. Cela a toujours était ma philosophie que ce soit quand je coachais en club, en équipe nationale ou en prison.
En termes de jeu, j’ai toujours étais fan du 4-4-2 mais tu ne peux pas simplement copier coller ça dans ta nouvelle équipe. Le plus souvent avec l’équipe national on joue en 4-1-4-1.
Après votre passage au Macchindra FC vous êtes revenu quelques années plus tard pour entraîner l’équipe nationale. Quel est le niveau du Népal?
Il y a des bon joueurs techniques cependant l’équipe doit s'améliorer d’un point de vue tactique et surtout physiquement. Notre niveau de fitness collective n’est pas là où il devrait être. On ne joue pas assez de façon vraiment collective - je mets l’accent sur notre jeu de passes pour moins dépendre d’exploits individuels durant un match. Le championnat était suspendu entre 2014 et 2018 à cause de disputes internes à la fédération et du tremblement de terre en 2015 ce qui fait que le niveau a baissé.
Les joueurs jouent tous au Népal?
Oui tous les joueurs évoluent au Népal hormis notre gardien Kiran Chemjong qui joue en Inde et notre milieu Rohit Chand qui joue en Indonésie. Il y a pas mal de joueurs d’origine Népalaise qui ont un bon niveau en Angleterre mais les règles de nationalité Népalaise ne leurs permettent pas de joueur pour l’équipe nationale. En prenant mes fonctions de coach de la sélection national en 2019 j’ai voulu voir le plus de joueurs possible donc j’ai passé pas mal de temps à regarder des matchs locaux. J’ai invité plus de 60 joueurs à s'entraîner avec moi car on essaye de trouver le plus de pépites possible. Il n’y a pas de système de détection ce qui fait que cela rend le processus plus dur à pas mal de niveaux. Par exemple, pour des joueurs en formation quand tu as entre 13 et 16 ans c’est une période charnière d’un point de vue physiologique où il faut commencer à aller à la muscu et vraiment mettre l’accent sur la tactique. Malheureusement on ne fait pas encore cela de façon systématique ici.
Vous êtes confrontés à quelles autres difficultés?
Le principal est l’état des terrains. Ils sont soit trops durs durant l’année soit trops boueux durant la mousson. On s'entraîne sur un terrain synthétique mais il commence à sérieusement vieillir... Mon staff est aussi super restraint - j’ai un entraîneur adjoint et un kiné tous deux népalais et un entraîneur pour gardien qui est un bénévole japonais. Ma femme a aussi aidé la fédération dans le domaines des RH les premiers mois. Je fais donc pas mal d’autres fonctions comme préparateur physique ce qui est aussi sympa. Je reste convaincu que ce n’est pas parce qu’on est un petit pays que ce n’est pas possible de faire des grandes choses dans le foot. Regardes par exemple ce qu’a fait l’Islande avec un entraîneur Suédois en plus (Rires)!! Ça reste notre modèle et on essaye de s’en inspirer à notre humble niveau.
Le football reste le sport numéro un au Népal?
Oui le football reste le sport numéro un - c’est un peuple passionné qui regarde beaucoup la Premier League. Cependant on sent que le cricket prend une place de plus en plus importante même si le football reste encore loin devant
Vous avez le temps de passer beaucoup de temps avec vos joueurs?
Le Championnat Népalais en moyenne dure 10 semaines donc l’an dernier j’ai pu avoir mes joueurs pendant presque 3 mois entre mars et juin. On a pu s'entraîner 6 jours sur 7 (NDLR le weekend ne dure qu’un jour au Népal) ce qui a fait qu’on a pu mettre en place des automatismes et revenir sur des gestes de bases et surtout, surtout travailler le physique. Tu pourrais penser que beaucoup d'entraîneurs rêveraient d’avoir leur joueurs aussi longtemps mais cela dépend vraiment du niveau. Si tes joueurs jouent dans des tops clubs européens au bout de 2-3 sessions tu peux facilement mettre en place des plans de jeux. Ici c’est différent à cause d’un manque de culture tactique ça mets plus de temps.
Cela fait plus d’un an que vous entraînez le Népal - quel est votre meilleur souvenir?
Probablement notre victoire contre la Chine de Taipei durant les éliminatoires de la Coupe du Monde 2022. Pour moi ce qui est le plus important c’est de voir mes joueurs grandir et s’améliorer. Je suis un éducateur et c’est de voir ces changements positifs qui me font le plus plaisir. Aussi jouer contre l'Australie était assez fantastique, de se confronter à des vrais pros qui jouent dans des tops clubs! On a dû revoir notre tactique car il y avait un défenseur qui faisait 2m (NDLR Souttar) et donc on essayait d’éviter les coups de pieds arrêtés et de travailler sur les contres avec notre vitesse.
A quoi ressemble votre quotidien en tant que sélectionneur national?
J'habite près du stade ce qui fait que j’arrive vers 7H du matin pour préparer la séance du jour. L'entraînement commence vers 8H du matin jusqu’à midi. L’après midi, je passe du temps à revoir la séance, regarder les matches de nos adversaires ou je suis en réunion avec les autres membres de la fédération. Je finis de travailler vers 18/19H et je rentre à la maison. Je suis plutôt casanier comme personne mais je sors pour aller au restaurant ou on invites des amis à dîner à la maison.
Pensez vous entraîner d’autres équipes nationales après le Népal?
Je suis super heureux au Népal c’est une véritable aventure humaine et sportive! Mon contrat est jusqu’en 2021 et j’ai bien l’intention d’aller jusqu’au bout. Avant de partir à la retraite j’aimerai être un assistant entraîneur dans un plus grand championnat - ca m'intéresserait vraiment de voir comment on travaille de façon différente.
Trop fier de toi !