Lorsque nous avons parlé à Hugo Boumous en janvier 2020, son équipe du FC Goa était en tête de l’Indian Super League avant les playoffs.
A l’heure où nous publions cette article il a été désigné meilleur joueur de la saison d'Indian Super League, avec de belles statistiques pour un milieu offensif (11 buts, 10 passes décisives). A croire que notre interview lui a porté chance.
Extraits choisis d’un joueur plein d’humilité qui compte rattraper le temps perdu.
Bonjour Hugo - peux tu nous résumer ton parcours?
J'ai été au centre de formation de Rennes avant de partir finir ma formation au Stade Lavallois. À Laval mes années en professionnel ne se sont pas si bien passés que ça. J'ai eu quelques soucis avec l'entraîneur même si avec le recul les torts étaient partagés. Ensuite je me suis exilé une première fois dans le championnat Marocain une année et demie avant de débarquer en Inde en 2018.
Comment passe-t-on du Maroc à l’Inde?
Mon entraîneur au Maroc au Moghreb Tétouan était Sergio Lobera. Il est parti entraîner en Inde et m’a fait venir ici - donc plutôt facilement.
Tu avais vraiment envie de signer en Indian Super League (ISL) - parce que généralement on associe ce championnat aux joueurs en fin de carrière?
J’ai vu que l'ISL était un nouveau championnat avec des gros moyens et des beaux stades. Sergio Lobera m'a contacté pour savoir si je pouvais être intéresser de le rejoindre. Je me suis dit que ça pouvait être une bonne expérience et au final, grosse surprise parce que je suis pas du tout déçu d'être là. Au contraire, je suis très content et ça se passe très bien! Donc certes un championnat un peu exotique comme on dit en France, mais au final une super décision que je ne regrette pas!
Au moment de cet interview (NDLR le 10 janvier 2020) vous êtes en premier du championnat. Vous visez le titre cette année?
Pour ceux qui ne savent pas en ISL les match se jouent en aller retour et ensuite il ya les playoffs avec la finale.
L'année dernière, on a échoué en finale. Cette année, c'est un peu différent, car celui qui finit premier de la saison régulière obtient une place automatique en Champions League Asiatique. Donc, c’est la priorité cette année de finir premier du championnat et puis faire un super parcours après les playoffs!
Moi je suis allé plusieurs fois à Goa en vacances - j’imagines que mon expérience est différente de ta vie là-bas… Tu pourrais me décrire une journée type?
Je suis pas sur que ca soit radicalement différent (Rires) On est dans un cadre super, il fait beau, il y a la plage...Il a tout pour bien vivre. On habite dans un hôtel face à la mer ou on passe la majorité de notre temps parce que notre salle de muscu est la etc... On a même nos entraînements qui sont à 5 minutes et qui se déroulent le soir. Avant les matches on part pour une mise au vert le jour d’avant dans un autre hôtel et on voyage toutes les 2 semaines pour les matches à l'extérieur.
On vit tous ensemble et j’ai créé des supers liens avec mes coéquipiers, qu'il soient étrangers ou indiens.Beaucoup d’étrangers sont à l'hôtel avec leur femme et enfants donc on se voit non plus 24H/24. Les indiens m’ont accueilli chaleureusement - humainement ils sont au top. On essaye de profiter de notre temps ici parce qu'on est dans une ville super agréable pas comme dans les autres grandes villes indiennes où on est vite pris par le trafic, la pollution et la surpopulation.
Justement l’effet de la pollution se ressent quand vous jouez à l’extérieur?
On ressent pas trop l’effet de la pollution sur nos organisme pour être honnête. Quand on se déplace on vient 2 jours avant le match et on va faire un ou deux entrainement donc peut être que ça serait différent si on passait plus de temps.
Qu'est ce qui était le plus dur pour toi quand t'es arrivé en Inde?
Franchement, le club a tout fait pour que ce soit facile. Après, c'est sûr que c'est pas toujours facile d'être aussi loin de chez soi, de la France, sa famille, etc… Les conditions sont au top et je n'ai pas éprouvé une quelconque difficulté à m'adapter, surtout que je connaissais très bien le staff technique auparavant et aussi 2-3 joueurs donc ça a vraiment aidé.
Et le niveau tu le juges comment?
Il y a quand même une différence de niveau entre les joueurs étrangers et les indiens. Les étrangers pour la plupart ont des bons CV et ne sont pas tous en fin de carrière. Il y en a pas mal qui ont moins de 30 ans et quelques jeunes aussi qui sont passé par de très bons championnats. Après les Indiens, dans la majorité hormis quelques joueurs doivent progresser.
Progresser, tu dirais plus en tactique, technique, physique?
Tous les plans. Je dirai aussi à l'approche mentale, professionnelle etc… ils doivent progresser.
Footballistiquement parlant - qu'est ce qui te manque le plus en Inde par rapport à ce que tu avais en Europe?
Le niveau clairement. J’avais un très grand potentiel quand j’étais plus jeune mais je n’ai pas pu vraiment percer au plus haut niveau à mes 18-19 ans. Principalement à cause de ma mentalité et de mon caractère. C’est un peu frustrant de se retrouver dans un championnat qui ne reflète pas mon vrai niveau même si les conditions sont bonnes et que j’ai un super contrat. Je crois que j’en ai assez sous la semelle pour un jour retrouver un championnat de bon niveau en Europe.
De ton vivant tu penses voir l’Inde disputer une coupe du monde?
Il ya un énorme potentiel. Ça va forcément passer par autorités et faire en sorte de mettre des moyens pour développer ce sport - ce qu'ils sont en train de faire depuis quelques années. Ça prendra encore beaucoup de temps, je pense, parce qu'aujourd'hui, le sport numéro 1 c’est le cricket. On voit que le football se développe petit à petit , on commence à créer des académies, etc... Avec le temps il n’y a pas de raisons de ne pas voir de progrès.
A Goa très clairement le sport numéro un c’est le football - comme dans le Kerala (NDLR pour des raisons historiques comme dans le Bengal) qui a une fanbase incroyable.
En moyenne, tu dirais qu’un footballeur étranger gagne combien en ISL?
La fourchette on va dire que c’est entre 8,000 et 15,000 EUR par mois. Il y a des salaires plus élevés mais en moyenne c'est dans cette fourchette.
Tu as joué pour l'équipe Olympique du Maroc - tu sais si le sélectionneur Marocain te suis?
On est dans un championnat très éloigné du Maroc, et des grands championnats Européens. Aujourd'hui, c'est inconcevable et impensable de penser à un retour en sélection. Il faudrait que je reprenne dans un championnat Européen pour penser à un retour.Voilà aujourd’hui j’ai 24 ans et ça passera par de bonnes performances. Cette année c’est le cas on verra ce qui arrive.
Tu as pour ambition de rentrer en France?
Ce n’est pas la première chose à laquelle je pense - je suis très heureux à Goa.
Après, ça dépendra de moi, de mes performances et statistiques.J’essaie de bosser et d'être l'un des meilleurs joueurs du championnat.Voilà donc on verra ensuite si je fais le nécessaire pour mériter un retour en Europe.
On sent que tu es plein d'humilité et que tu souhaites rattraper le temps perdu. C’est frustrant de voir des anciens coéquipiers de centre formation qui sur le papier étaient peut-être moins talentueux que toi jouer en Europe?
Complètement mais j’ai envie de te dire c’est la magie du football.C’est pas toujours le plus fort ou le plus talentueux qui réussit. Il ya tellement de paramètres à prendre en compte pour devenir pro. Il faut assurer à tous les niveaux sinon quelqu’un d’autre va prendre ta place. C’est pas un métier facile le football, on a pas dix milles chances. Il faut être mature très jeune et perpétuellement se remettre en question. On va dire que maintenant à 24 ans je suis plus posé que quand j’avais 18 ans.
Super El Flaco!!!! Super interessant et tellement bien ecrit! Merci de nous faire parvenir ces histoires!