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Writer's pictureFrançois Plattard

Florent Koara - de la Côte d’Ivoire au Népal

On aime bien dénicher des parcours atypiques mais la nous étions particulièrement ravis de pouvoir parler à Florent Koara, défenseur Ivoirien du club Népalais de Manang Marsyangdi Club. Le football en haute altitude lui réussit bien puisqu’il a aussi joué deux saisons au Bhoutan. Retour sur un parcours fascinant qui, malheureusement, a pris une mauvaise tournure depuis la crise sanitaire du Covid-19.





Comment es- tu arrivé au Népal Florent?


J’ai commencé ma carrière en jouant dans le championnat Burkinabè mais je me suis blessé lors de ma première saison. C’était une assez grosse blessure et je suis rentré un an en Côte d’Ivoire pour récupérer. Je m'apprêtais à signer dans un club Ivoirien lorsqu'un de mes amis qui jouait au Népal m’a appeler pour me dire de venir jouer ici. Je me suis dit que ça allait être mieux pour ma carrière de jouer à l’étranger. Et voilà, j’ai débarqué au Népal il y a maintenant 4 ans!


Et footballistiquement parlant - c’était le bon choix pour ta carrière de jouer au Népal?


En moyenne je dirai que ça joue mieux dans le championnat Ivoirien, même si il faut reconnaître que le niveau est plus que correct au Népal et s’améliore d’année en année. Pour être transparent je suis venu ici car le salaire était meilleur ici. Je revenais d’une blessure grave et on me promettait plus du double de ce que j’allais gagner en Côte d’Ivoire donc j’ai pas vraiment hésité.


Quelle a été ta première impression du Népal quand tu es sorti de l’aéroport de Katmandou?


Quand les portes se sont ouvertes je me suis dit “Mais mon Dieu je suis toujours en Afrique”!! Je pensais pas que le Népal était aussi pauvre et peu développé - c’était pas du tout l’image que j’avais du pays. Je suis allé à l’hôtel et le lendemain j’ai appelé mes parents pour leur dire que je voulais rentrer. Mon oncle m’a expliqué que si je devais rentrer ça serait à ma charge - donc après avoir réfléchi je me suis dit que j’allais rester et tenter ma chance ici.



Comment as tu fais pour apprendre le Népalais si rapidement et devenir la coqueluche des médias locaux?


Au début c’est vrai que c’était assez compliqué pour moi dans le vestiaire car je ne parlais pas anglais ou népalais - donc je communiquais beaucoup avec des signes. Au bout de 3-4 matches ça été un peu plus facile en apprenant des mots clefs comme “Man on!” , “Clear”, “Danger coming” pour pouvoir être aligné avec ma défense et comprendre les instructions de mon gardien. Je voulais aussi rapidement apprendre la langue donc je me suis acheté un bouquin et notais toutes les expressions que j’entendais. Je me débrouille plutôt pas mal maintenant.



Le Népal n’est pas forcément la première destination à laquelle on pense pour un footballeur - il y a beaucoup d’étranger qui jouent dans le championnat?


Au Népal, les clubs ont le droit d’avoir 3 joueurs étrangers par équipe plus 1 autre joueur d’Asie du sud donc il y a des joueurs d’un peu partout en Afrique et même du Japon!Nous sommes 27 africains à jouer professionnellement au Népal et à ma connaissance je suis le seul Ivoirien ce qui parfois a rendu les choses difficiles.Quand tu es étranger et qui plus est africain, ton club et tes supporters attendent de toi le double d’un joueur népalais. Si tu as le même niveau ça les intéresse pas et le club peut très facilement résilier ton contrat.


Tu as été victime de racisme au Népal?


Je suis noir donc quand je sors dans la rue à Katmandou tout le monde me regarde et j’entends souvent des commentaires désagréables ce qui me blessait beaucoup au début. Sur le terrain, la plupart des joueurs sont respectueux même si cela arrive assez souvent de se faire insulter par les les joueurs adverses, les supporters et les dirigeants. Je me rappelle en 2017 lorsqu’on jouait la Gold Cup, à chaque fois que j’approchais de la ligne de touche je recevais un torrent d’insultes racistes. Lorsque j’ai dit cela à l'arbitre il m’a dit que si j’étais pas content je pouvais fermer les oreilles. Mes coéquipiers ont dû me calmer pour que je n’explose pas alors que je voulais quitter le terrain. C’est triste à dire mais je me suis petit à petit habitué à ces insultes et ça me touche moins.


Tu as aussi connu des épisodes douloureux comme ça au Bhoutan?


Non pas du tout, le Bhoutan c’est le pays ou je me suis senti le plus libre. Mon agent avait envoyé quelques vidéos et j’ai signé avec le Paro FC qui venait de remonter en première division. J’étais le seul étranger de l’équipe et j’avais le plus gros salaire avec 1500 USD par mois. Les gens étaient supers curieux de voir un étranger jouer au Bhoutan et les stades étaient plus garnis quand je jouais. Je me suis senti super respecté et j’ai adoré mon temps dans ce magnifique pays.



Pourquoi n’es tu pas resté plus longtemps?


Franchement j’aurai adoré mais mon visa était simplement pour jouer au foot. 2-3 jours après que le championnat soit terminé j’ai dû quitter le pays. Si tu viens comme touriste il faut dépenser 250 USD/jour donc ce n’était pas vraiment pour moi. J’ai eu la chance de retourner jouer pour le club de Druk United FC et j’ai encore eu une expérience incroyable.



Quelle est ta situation depuis la crise sanitaire de la Covid-19?


On rentrait d’un match de Gold Cup en mars quand le confinement a été annoncé au Népal.

Du jour au lendemain, j’étais coincé à la maison et on a arrêté d’être payé. A chaque fois que j’appelais le club il ne répondait pas ou me disait que le championnat était fini et donc qu’on pouvait pas me payer. J’ai pas arrêté de protester depuis le début du confinement auprès de mon club. En 6 mois j’ai reçu un sac de riz et des condiments ainsi qu’à peu près 25000 Roupies (à peu près 250 USD) donc t’imagines que c’est très difficile de survivre. J’ai eu beaucoup de chance que l’ancien président de mon club au Bhoutan m’a aidé financièrement. Il est très discret mais je souhaite le remercier pour toute son aide. D’un point de vue sportif, je m’entretiens comme je peux chez moi pour pas perdre la forme.


Comment as tu protesté le fait que tu n’a pas été payé depuis mars?


Moi je demande qu’une chose, c’est que mon contrat soit respecté. On a arrêté de me payer et le club ne veut pas m’aider à retourner au pays donc je suis sensé faire quoi? On m’a interviewé deux fois sur Kantipur TV (NDLR la plus grande chaîne Népalaise) ainsis que sur des chaînes YouTube mais je n’ai pas eu la réponse que j’attendais de mon club ni de la fédération. Ce n’est pas normal qu’un footballeur professionnel se retrouve sans nourriture. Je veux que mon contrat soit respecté et ne pas être coincé. Avec des conditions comme ça je me vois pas rester au Népal et cherche une porte de sortie.


Tu cherches à repartir au Bhoutan?


Malheureusement à cause de la Covid-19 les joueurs ne sont pas autorisés dans le championnat. J’ai envoyé des vidéos au Vietnam et en Thaïlande où j’ai reçu une offre mais l’aéroport de Katmandou était fermé jusqu’à la mi Septembre donc je n’ai pas pu partir pour finaliser les choses. Le club a été super avec moi mais il ne pouvait pas attendre plus d’un mois donc ils se sont rabattus sur un autre joueur. Une offre de deuxième division Indienne m’est parvenue aussi mais je devais repartir en Côte d’Ivoire pour obtenir mon visa ce qui était impossible car l’aéroport était fermé. En ce moment je cherche juste un endroit quel qu'il soit ou je peux jouer au foot. Mon souhait est d’être sur un terrain gazonné pour exprimer mon talent et d’être respecté. On sait que le foot peut aller vite donc je perds pas espoir.




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